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Ceci N'est Pas un Tuto (Ep.02) - Le Festival d'Avignon

Week End réal avec Mikou, PART I.

Non sans prise de tête et réflexions préalables à la continuité du projet, on a fini par se retrouver, arpès négociation, chez moi, à La Réole, pour tourner 2 nouveaux épisodes. Le truc qui est bien, c'est qu'on est deux bons bourrins de taf. Ce fut aussi l'occasion de réaliser, une bonne fois pour toutes, à quel point on aime bosser ensemble. Et puis on a bien rigoley.

Les aventures de David

J'avoue avoir très largement pesé mon envie d'être « THE » réalisateur pour mon frère.

J'ai d'abord réfuté l'idée que c'était « notre projet », car in fine, le premier bénéficiaire du succès (ou non) de ces vidéos, c'est Mickaël.

Par ailleurs, je ne me suis pas lancé dans la réalisation pour devenir réalisateur, mais pour être autonome lorsque j'avais besoin de faire un clip ou un court, pour des projets totalement personnels. Si bien qu'en imaginant que la réal et le montage des ces épisodes puissent générer une opportunité - ce qui semble au demeurant peu probable - ma réponse serait négative dans 99% des cas. Mais Mickaël a insité, d'une part parce qu'il ne voyait pas qui d'autre que moi pourrait faire ce taf (gratuitement par ailleurs, <3), mais, et je dois bien l'admettre, le coeur chaud, parce qu'il voulait sincèrement qu'on fasse ce projet ensemble.

Rapide calcul fait, à raison de 4 jours de taf par épisode, pour 8 à 10 épisodes dans l'année, je cramais 32 à 40 jours de mon fucking précieux temps libre. Alors, si on était en train de réaliser la websérie de l'année, dans un univers co-écrit, avec des thèmes qui me font frémir, ça aurait pu me taquiner le cerveau, mais pour faire des non-tuto sur le monde des comédiens ? Par pitié, non.

On a donc revu ensemble l'ambition des 10 épisodes, rabaissée à « on verra » puis calé des journées de tournages à Panam. Quelques jours avant de prendre mon train, j'étais malade du bide (entre la vie et la mort, tel une homme). J'ai annulé en proposant au choix :

  • qu'il trouve un autre réal, et que je ferai éventuellement le montage.
  • qu'il vienne ici, à La Réole, une Week End, pour qu'on tourne tout.

Quelques « Mais tu te rends pas compte ! », « mon temps et tout ... », « Le train ? Au prix où ça coûte ! » plus tard, je lâchais l'argument massue. Vu que le premier épisode a été financé par l'Afdas (c'était d'ailleurs le premier argument pour que je fasse le premier épisode : 1500€ pour la réal. et le montage) mais que je ne l'ai pas touché (parce qu'à ce moment, je n'en avais pas besoin), je lui ai proposé de financer sa venue avec ce pognon. Imparable. Il est donc venu. Énorme casanier que je suis, la joie frappait mes joues barbues. 

Tout ça allait nous permettre de redéfinir un peu les conditions dans lesquelles on allait tourner ces épisodes, et les épisodes futurs. D'une façon ou d'une autre, il fallait qu'on soit efficace, mais surtout qu'on prenne un sincère plaisir à faire ça, donc exit les journées de stress à silloner Paris avec du matos dans des apparts pêu ou pas pratiques, le tout à greffer dans l'emploi du temps de ministre de Mickaël. Double joie. 

Les conditions sont souvent négligées sur un tournage, même entre amis ou en famille. Or, si un soin absolu est pris à cet endroit, vous vous garantissez à 75% un chouette tournage. Ça demande un peu de capacité de projection et de remise en question, mais très clairement, c'est un temps à prendre avec sérieux. Ceci a changé, peut-être pour toujours, mon envie de bosser avec mon frère.

Tournage

L'avantage quand t'es chez toi, c'est que t'es chez toi. Tu peux remodeler à souhait ta pièce et tu as à disposition 180m² (quand tu habites à La Réole, of course) pour créer moult décors. Et dans la pièce qu'on a choisie, on avait déjà 5 décors différents vu le parti pris de cadrage. Dans l'écriture de cet épisode, on avait 2 nouveaux personnage, donc dans notre cas, 2 nouveaux décors, qu'on a pu rapidement mettre en place. 

On a tourné essentiellement en journée. Ça veut dire lumière naturelle, donc lumière qui bouge tout le temps. D'ailleurs, si vous avez la possibilité d'anticiper, un jour de grisaille légère est idéal. Les ombres claquent moins, la lumière est plus diffuse, et surtout, les variations de luminosité sont largement diminuées. De mon côté, j'ai pesté tout au long du tounage, mais puisqu'on y pouvait rien, et qu'on était déjà à la moitié du tournage, on a décidé de s'en foutre. 

J'ai pu retrouver une partie de mon matos. Mon super trépied d'une part (cf. Technique & Matos sur votre gauche) et mes softbox.  Ces dernières m'ont bien aidé à éviter des ombres trop marquées sur le visage de Mickaël. Utilisation de 2 SB, positionnées à +/- 45°, à gauche et à droite du sujet, à 2 mètres environ. Quand on est seul, la gestion de la lumière est un petit enfer. Pas tant parce que c'est compliqué, mais parce que vous gérez déjà le cadre, le son, la déco, la direction, etc. Mais ca reste un poste technique à prendre avec sérieux, dans l'idée d'atteindre un minimum requis en terme d'éclairage. Quelques principes à appliquer sont facilement trouvables sur le web (au hasard, un premier lien sur le sujet).

Pour les valeurs de plans et le cadre, idem que la vidéo n°1. J'ai juste pris un peu plus de soin quand au cadrage à effectuer pour des séquences où il y aurait des infographies. 

On a conservé une approche par décors et personnages, comme il est usuel de le faire. 

Pour la direction d'acteurs, vous pouvez vous référer aux commentaires de l'épisode 1.

Derush. & Montage

Conditions identiques à l'épisode 1. J'ai proposé à Mickaël une petite matrice Google Sheet qui m'a simplifié la vie.

  • Mickaël doit retranscrire le script dans le doc, de façon chronologique.
  • Il mentionne personnages et textes.
  • Il ajoute le texte à placer en infographie au bon endroit, si besoin.
  • Il indique le numéro de fichier vidéo correspondant à la séquence, et mentionne le time code (T.C.), en ajoutant une note pour des trucs précis, toujours au besoin.
  • UID c'est un identifiant unique. Ca permet de toujours pouvoir retrier le document selon l'ordre initial du script.

Post Dérushage, j'ai proposé un ours qui nous a bien fait déchanter. L'épisode était extrêmement long et assez usant à regarder. On a eu de longs débats sur les séquences inutiles, moins utiles, drôles, moins drôles, et j'ai fini par proposer une version coupée à la hâche, qui économisait 2 minutes 30, dans mon souvenir. L'exercice, pour Mickaël, c'était de mater la vidéo sans a priori et de mesurer si on perdait en pédagogie, en clarté, en drôlerie, ce qui ne fut pas la cas. Final cut.

Graphisme & Sound design

Une chiée d'informations est présente dans cette épisode. C'était un peu le truc clef du sujet sur Avignon. Faire comprendre pourquoi ca coûte une blinde, et sensibiliser les jeunes theâtreux.

Ce que Mickaël ne dit qu'à moitié, c'est qu'à l'époque il était en totale chiasse à l'idée de refaire Avignon après un premier essai bien traumatisant. Il est venu me voir, et j'ai sorti un tableau blanc (en vrai). Pourquoi le faire, pourquoi ne pas le faire, à quoi ça sert, combien je gagne, combien je perds, pourquoi je vis, pourquoi je meurs (vous ajouterez les ?). On a opposé les bonnes raisons de le faire aux bonnes raison de pas le faire avec un exercice simple : « Est-ce que cette bonne raison de le faire pèse plus que cette mauvaise raison de le faire ? ». Si bien qu'à la fin, tu n'as que 2 ou 3 éléments dans ton tableau, puisque tu as rayé tous les trucs qui « perdaient » face à d'autres trucs ayant plus de poids. Au bout du compte, mon discours était : « Avignon, tu ne le fais aps pour l'argent, tu le fais pour le plaisir, et/ou comme une opération de communication destinée à te faire potentiellement connaître, toi ou ta pièce ». Et, on le sait, une opération de communication a un coût. C'est un budget concret dans toutes les boîtes. Donc mission sensibilisation assez importante dans notre cas en vidéo. 

Esthétiquement, j'ai conservé les mêmes typos que le premier opus, toujours assez sobres.

Dans la trentaine de panneaux intégrés dans cet épisode, la différence notable a été mon approche au montage. Là où, je créais normalement un panneau par info (3 données à l'écran = 3 panneaux), j'ai cette fois créé un unique panneau, et utilisé un crop dynamique au montage. C'est à dire, faire un suivi sur toute la séquence et modifier en 2 points (généralement bas gauche et bas droite) la zone de l'image à afficher. Gain de temps assez précieux et possibilité de créer des transitions intéressantes par ailleurs.

Conjointement, j'ai du travailler sur le sound design de façon un peu plus pointue. Je fais de la MAO depuis 15 ans, et on avait concocté avec mon pote Olivier Schlauberg une belle banque de sons lorsqu'on avait fait fait la BO et le sound design d'un court métrage. Pas si simple d'aller à la pêche au bruitages sur Internet. Ca existe évidemment, mais faut creuser un peu.

J'ai décidé cette fois de caler de la musique. Avec ma jolie compagne, lors de la BO d'un court, on avait trouvé une belle source de musiques libres de droits, puisqu'elle ne voulait pas de mes compos persos, la bitch. J'ai pu utiliser une musique assez joyeuses qui matchait bien avec la température chaude d'Avignon. Cigale time.

Mais tout ça, on s'en fout presque au regard du PUTAIN d'enfer qu'a été le cleaning de la prise de son.

Sound cleaning

Tu l'aimes ta maison et ses 4,5m de plafond ? Non.

Lors du tournage, au casque, j'avais naturellement halluciné de l'ambiance sonore de mon chez-moi. On savait que ca résonnait un peu, mais on s'était arrêté à « un peu ». Bref, ni une ni deux, je me munis de pieds et de barres, et je bricole des panneaux accoustiques avec des couvertures de chantier. On re-teste : c'est vraiment mieux. Mais, c'était en réalité juste « mieux » que l'énorme merdier sonore que j'avais avant.  Si bien qu'au montage, vertige, sueur froide, bad audiocosmique : le son est objectivement à chier.

Tournant au 50mm, je suis assez distant du sujet. Or, je capte avec un petit micro Sennheiser (cf. Matos sur la gauche) directement sur la cam, qui normalement fait totalement l'affaire. J'aurais pas eu la putain de bonne idée de décrocher ce micro et de le placer moins loins de Mickaël ? Bien sûr que non. Bilan après le bilan : prise de son de merde.

Alors, pour vous expliquer correctement les choses, il faudrait que je rentre dans beaucoup de détails vous parlant de niveaux d'entrée, de room, de compression en pré., et de tout un tas de choses que je ne maîtrise moi-même qu'à moitié. Dison le donc simplement : que tu fasses de la musique ou un film, le plus important, c'est la qualité de ta prise de son. Ca ne se rattrape jamais totalement en postprod et, lorsque ça se rattrape, on va dire que l'heure que tu aurais du consacrer à bien faire ta prise se transforme en une journée de travail pour corriger ton laxisme.

Quand t'as chié ta prise de son, c'est quasi foutu en postprod [...] T'assumes, tu t'es troué, tu feras mieux la prochaine fois.

Ainsi, en postprod, j'ai passé au bas mot 8h à « nettoyer » les pistes. Lorsque j'ai envoyé ça à Mickaël, et qu'il me dit « C'est super chaud le son non ? » j'ai eu envie de chialer. T'as beau lui expliquer que t'as été obligé de craquer un logiciel que tu ne connaissais même pas, apprendre à t'en servir, passé des plombes à corriger, ajuster, etc. ça n'est jamais plus qu'un mec qui te dit « J'ai beaucoup travaillé » pour un résultat médiocre. Et, entre nous, on déteste ce genre de personnes. Ainsi, quand t'as chié ta prise de son, c'est quasi foutu en postprod, surtout si le taf consiste à supprimer une reverb de cathédrale. T'assumes, tu t'es troué, tu feras mieux la prochaine fois.

Étalo du pauvre

Même principes que pour la première vidéo. J'ai juste apporté plus de soin à la luminosité. J'ai par ailleurs tenté de créer 3 ambiances assez tranchées pour chaque personnage. Le metteur en scène un peu crado a donc un univers colotimétrique qui tire vers le vert, la ou Cassiopée est un peu plus dans les jaunes orangés. Le speaker reste dans une ambiance assez neutre, avec une balance des blancs plus fidèle à la réalité.

L'épisode

Le commentaire de Mickaël Délis

Le Festival d’Avignon, c’est quoi ? Ca ressemble à quoi ? Et ça implique quoi ?

Passé la distinction festival IN/ festival OFF - qui relèvent de deux logiques très différentes, tant d’un point de vue structurel que financier (et qu’esthétique diront certains) - il convient de s’interroger sur ses moyens, ses ambitions et la pertinence de sa démarche lorsqu’il est question de « faire » le fameux Festival d’Avignon. (On aura compris que d’un point de vue pratique cette vidéo s’adresse plus à la grande famille de la lose du Pôle Emploi et des non-subventions, qui n’arrive pas à entrer en contact avec Olivier Py, peine à faire ses heures, à se payer et mise parfois gros sur son mois de juillet dans le Vaucluse.) (Mais que celles et ceux qui ne pratiquent que le IN ne se privent pas de découvrir ce à quoi ils réchappent par cette vidéo.) (Et que les spectateurs qui se ruent par centaines de milliers là-bas sachent au nom de quoi ils sont harcelés du soir au matin par des flyers, tracteurs et autres paradeurs endiablés.)

    L’idée c’est :
  • de ne pas s’épuiser en pure perte,
  • de ne pas flinguer le plaisir de jouer et/ou de créer en raison de contraintes logistiques éreintantes,
  • de ne pas rentrer d’un mois d’exil méridional entre potes avec des envies de meurtres et autres ruptures définitives,
  • de ne pas s’être endetté quand il était question de vendre son spectacle,
  • et tant d’autres choses qu’on n’anticipe pas forcément quand on s’embarque sur l’autoroute du soleil tout début Juillet.

Savoir où on met les pieds, avec quel projet, selon quelles conditions d’accueil, donc.

Dans le IN, Avignon, c’est un peu le paradis. Dans le OFF, ça peut assez vitre ressembler à l’enfer – et il ne s’agit pas de pointer ici les 43 degrés à l’ombre au pic du soleil.

Avignon ça coûte cher. Ce qui n’est pas grave si on a de l’argent à dépenser, voire à investir si l’on fait de savants calculs. C’est encore moins grave si l’on a un producteur, ou un co-producteur, ou un co-réalisateur. Toutes ces personnes existent. Il faut juste avoir en tête qu’elles sont (très) rares, donc très sollicitées, donc presque (très) inaccessibles.

Avignon peut être une vitrine exceptionnelle, une opération marketing sur du long terme, un exil-passion d’amateurs réjouissants… mais aussi un mur violent. L’idée c’est donc de partir en campagne bien armé, parce qu’au milieu des 1400 spectacles en moyenne et presque autant de compagnies noyées dans la foule sans cesse renouvelée des milliers de spectateurs charriant professionnels et moins professionnels de tous horizons, le quotidien peut vite ressembler à un champ de bataille. Il n’y a qu’à voir la ville le 31 juillet avec sa gueule de no man’s land où les affiches et les flyers roulent en boule dans les rues comme les fourrés dans un western…

L’année où j’y étais (2011 – qui n’était qu’une année comme les autres) la moyenne de remplissage sur tout le mois et toutes les salles était de 7 spectateurs murmurait on dans le village du Off. ¼ des compagnies étaient parties à mi-parcours. Et 2/3 d’entre les plus braves auraient fini méchamment endettées. (Il y avait 300 spectacle de moins…) Il faut donc avoir les reins solides. Et le moral. Ne serait-ce que pour mieux profiter du succès s’il se présente.

Ah oui, même si tu pars avec tes potes, tu mets tout sur papier (conseil de copain) : le bénévolat, l’absence ou la présence de tune, l’accord officiel de tout partager ou pas, tu écris et fais signer : parce que la chaleur du sud ça rend amnésique et ça favorise les crises de mauvaise foi. En vrai, entre les parades, le tractage, et tous les trucs relous, ton métier (de comédien, de metteur en scène, d’« artiste » …) tu le fais juste une à deux heures par jour du 7 au 31, soit 36 (ou 72) heures sur un mois entier… ce qui peut rendre un peu irritable.

NB : la citation de fin de la vidéo est extraite du site du Festival (IN) d’Avignon. Je la remets pour le plaisir des yeux. Jean Vilar en créant le festival en 1947, disait qu’il voulait toucher un public nouveau, avec un théâtre différent de celui qui se pratiquait à l'époque à Paris : "Redonner au théâtre, à l'art collectif, un lieu autre que le huis clos (...) ; faire respirer un art qui s'étiole dans des antichambres, dans des caves, dans des salons ; réconcilier enfin, architecture et poésie dramatique."

Bonus : « En » avignon

Ah oui bis : de la même façon qu’on ne vit pas en Paris ou ne descend pas en Bordeaux pour les vacances, on ne dit pas partir « en » Avignon

Des gros bisous et plein de caca pour ton futur festival !

Et après ?

Quelques jours après publication, un metteur en scène, Philippe Person, appelle Mickaël pour lui proposer un rôle dans La Mouette de Tchekhov, programmée à Avignon. Oh Irony.

Une diffuseuse, pour une intervention au pôle emploi, nous a contacté pour utiliser la vidéo comme support pédagogique afin de mieux préparer les compagnies de théâtre à Avignon.

Le Pôle emploi Vaucluse nous a également contacté pour des raisons voisines.

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