Ceci N'est Pas un Tuto(riel) (Ep.04) - L'intermittence
Été, gros dossier, et succès inattendu
Mickaël, bon furieux, avait déjà écrit 3 nouveaux épisodes. On avait le choix entre 2 « petits » à tourner sur 2 jours, ou un gros. L'écriture me semblant plus faible sur deux d'entre eux, on a opté pour l'intermittence, épisode massif et prêt, sans se douter par ailleurs du mini succès que l'épisode allait rencontrer sur Facebook. Entre temps, investissement dans du matos de prise de son. Retour sur tout un tas de choses.
Les aventures de David
Ha, mon mois d'août, si intouchable mois de vacance, si précieux temps mort qui m'offre de ne rien foutre enfin et soulager cette maladie de la production non-stop. C'était sans compter Mickaël Délis, vraissemblablement toujours pas adhérent des workaholics anonymes.
Une fois son envie de faire un épisode cet été acceptée par son jumeau chéri, la question était autant quoi que où, quand et comment. Pour respecter l'esprit estival, on a opté pour un tournage chez notre bien aimée maman. Plein air de surcroît, ça nous semblait à propos. Et, nous allions pouvoir tester notre nouveau matos de prise de son, qui allait résoudre tellement de problèmes.
Avec l'argent restant de l'Afdas, on a pu investir un peu :
- Un système Sennheiser EW 122P G4,
- Un micro Sanken COS-11D PT-*/1.8,
Mickaël s'était renseigné préalablement auprès d'un pote tout à fait alerte sur ces problématiques de prise de son. Lorsqu'il est allé dans je ne sais quelle boutique parisienne, le vendeur, au regard de la transpiration technique que dégage mon frère, lui a lancé, sceptique, « Vous comprenez bien que vous achetez du matériel professionnel là ? Vous avez bien vu le prix ? C'est pour faire quoi déjà ? ».
Acquisition et réglages faits, tu gaffes le micro là où tu peux, tu mets ton casque, et tu as une petite larme à l'oeil. Le son est bon, large, généreux et précis à la fois, avec un niveau parfait et facilement réglable.
Conditions optimales. Go.
Tournage
La petite matrice google sheet a priori dédiée au montage, est devenue un outil pour le tournage. Les filtres appliqués sur les personnages ont permis de trier toutes les scènes, et d'obtenir un découpage et une organisation ultra simples. Seule la quantité de pages imprimées a été vertigineuse. Pour le reste, on était plus expérimentés, mieux équipés, mieux préparés. On a pu accumuler encore un peu d'expérience et tenter d'améliorer encore CNPT.
La première journée était consacrée au speaker, et la deuxième aux personnages secondaires.
premier jour
Après avoir fait un peu de repérage, on a opté pour un spot un peu moins exposé aux rayons du soleil. Une fois de plus, la lumière allait varier fortement, mais dans un esprit vacances, tourner en extérieur est devenu un choix esthétique. Soleil, tu es donc notre bon compagnon aujourd'hui.
Intuitivement, j'ai décidé de changer de décors pour chaque « partie » de la vidéo. Sur le papier, on n'avait rien prévu à ce niveau, les parties n'existant pas de façon formelle, mais on a tout de même improvisé des scènes de transitions sans imaginer à quel point elles seraient utiles au montage final. Ainsi, le speaker change cette fois de décors.
On s'est un peu bagarré avec ces connards de vacanciers qui avaient choisi cette journée pour faire du bâteau, faire de l'avion, et globalement faire chier. Ça créait un dérangement certain pour la prise de son, et cette fois, hors de question de se planter. Ça nous a obligé a faire encore plus de petites pauses que prévues, ce qui n'a pas été un mal.
J'ai pu anticiper bien mieux les problématiques de cadres, toujours liées aux inserts d'infographies, et je me suis même fendu de petits panoramiques à la mano, avec mon bon trépied que j'aime.
Seul merdier constaté en post, le point. Mickaël a tendance à se balancer d'avant en arrière, et à tripler les essais au sein d'une même prise. Donc, si t'as fait le point au début, et que lui est lancé dans sa troisième interprétation, il arrive souvent que ton point soit foutu. Nouvel élément de vigilance pour la prochaine session : soit entraîner Mickaël à ne pas putain de bouger, soit un peu de follow focus - quasi ingérable sur ce genre de micro mouvements -, soit fermer un peu pour augmenter sensiblement la zone de netteté, quite à perdre un poil de flou d'arrière plan.
Deuxième jour
Alors, quel rôle de con vais-je avoir cette fois ?
Timothé, un « mec de droite ». Un ami finira par me dire « As-tu réfléchis au fait que tu as révélé ton visage à 140 000 personnes en tant que Timothé ? ». Je n'y avais pas réfléchi, non.
Un banquier, un « cliché de droite » donc, une Cassiopée en maillot une pièce, un porn-intermittent, une famille française, et une ouvreuse de club privé : Journée dodue en perspective.
On a attaqué avec le banquier, un poster sublime créé pour l'occasion, et un Mickaël perruqué en blond. Au delà des frottements du micro cravate, peu de chose à dire. Juste un nouveau truc auquel il faudra faire attention ...
Enchaînement avec toutes les scènes de Cassiopée. RAS.
Enchaînement avec la scène de l'ouvreuse. Je me retrouve avec un haut léopard, perruque brune, à incarner une espèce de physio bienveillante qui dira à Cas' qu'elle n'a pas fait assez d'heures. Scène que nous ne garderons pas à cause de problèmes de son ... Et un nouveau point de vigilance, un ! C'est que là, la scène est un dialogue, donc ton micro cravate peut être un peu faiblard. On aurait du doubler au Zoom H4. J'étais pourtant sublime.
Et, c'est mon heure. Timothé, mec de droite. Coiffure de merde, style de bordelais, Range Rover de papa. Une fois le cadre posé, c'est Mickaël qui dirigeait. Entre insupportable et très pertinent, Mickaël assène à chaque essai une nouvelle direction, à la façon des dir-casts qu'il décriait pourtant. Au demeurant, il a eu précisément ce qu'il voulait, me complimentant même, moi, non comédien que je suis. Nos parents étant exceptionnellement réunis, des amis chers étant là, on a pu recréer ce qu'on appelera une « famille », ici, la famille de Timothé. C'est toujours assez drôle de voir tes parents tenter des trucs totalement improvisés. Mais Mickaël, dans sa direction tyrannique, a fini par avoir ce qu'il souhaitait. Cette phrase si courte « Quoi, t'es pas fier d'êtrre français » a finalement été la plus dure à jouer.
Haa, tu la sens la fin de tournage ? Juan Kekette, acteur porno, est lui aussi intermittent, et sera le dernier personnage de la journée. Cadre chiant à faire, le jour glissant vers la nuit, avec des ombres super étendues, et impossibilité de cravater le micro. Là aussi, une prise de son au zoom aurait été un meilleur choix, mais comme le bougre parle espagnol, ça passait, et j'avais une idée assez claire de comment je créerais la traduction en français au montage.
Over. Clap Clap.
Derush. & Montage
Conditions identiques aux autres épisodes, mais pour un maxi dérushage qui a fait réaliser à Mickaël que cet épisode allait être foutrement long.
Ours imbitable. Effet totalement contre productif : trop d'infos, trop de scènes, trop de chiffres, trop long. Petit bad. J'ai beau re-rythmer, couper ça et là, c'est toujours super chiant à regarder.
Virage à 180°. Je prends le parti d'aborder cet épisode comme un « dossier ». Ainsi, 4 parties distinctes: Histoire / Fonctionnement / Remunération / Controverse. Au montage, ça se traduit par une intro plus posée, en musique, avec un générique dédié. Je pars du principe que de toute façon, c'est une vidéo longue. Donc je ne pourrais pas la rendre courte, et je dois trouver un moyen pour que le spectateur reprenne de temps à autre sa respiration et réactive son cerveau pour la partie suivante, sachant que chaque partie nécessitait un certain niveau d'attention.
L'intro terminée et relativement satisfaisante, elle est devenue la base d'un gimmick graphique et musical pour les transitions. Ce « simple » truc a transformé radicalement le visionnage. Mickaël a pu trancher ça et là certaines scènes en plus de celles que j'avais moi-même dégagées. On passe alors de 13' à 11'30, transitions incluses. It works.
Pour le reste, du grand classique CNPT.
Graphisme
Naturellement, créer un générique un peu animé et un minimum stylé, ça prend du temps. Ça passe.
J'ai essayé de relever le défi de la pédago en créant des trucs un peu plus visuels, avec des icones maisons, et des stats plus « graphiques » créées pour l'occasion. Finalement, c'est pas si chronophage, et ça aide énormément à la compréhension.
Esthétiquement, un poil plus d'audace stylistique avec ce générique, qui se risquait donc à plaire ou déplaire. Nouveauté, les typos Chunk Five Ex et Roboto Slab font leur apparition, et ça vous rend très heureux, je n'en doute pas.
Sound design
Se renouveler sans se perdre. Les dings, tocs et poufs des 3 épisodes précédents n'ont pas servi cette fois. La formule est restée la même, sans aucune forme d'originalité (des dings, tocs et poufs, donc) mais au moins, je me casse le cul à changer de temps en temps ces dings tocs et poufs : petites pièces à la Mario Bros., nouvelles sonnettes de vélo, petite sélection d'audios façon gaming, etc., toujours trouvés ça et là sur le web (cf. Crédits).
L'excellent titre funk, AHoriBuzz - Turnaround, était référencé chez moi comme « musique libre de droit ». Comme une teub, je n'ai vérifié la véracité de la chose qu'après parution ... et impossible de confirmer l'info. Le mal est fait, mais nous nous excusons donc si ce titre a été frauduleusement utilisé. Merci à eux en tout cas s'ils ne disent rien. <3
Sinon, bonne prise de son. Pas de sound cleaning, pas de tuile. Joie, joie, joie.
Amélioration ...
J'ai une certaine tendance pathologique à créer des protocoles et des documents supports.
À l'issue de cet épisode, on a sincèrement énormément avancé et accumulé d'expérience. J'ai fini par envoyer cet email à Mickaël, en vue des épisodes futures.
Rédaction
- Sur des phases à infog. nombreuses, ne pas entrecouper de jokes. Ca complexifie le propos, et alourdit le montage ;
- si infog., alors il est toujours préférable de citer les chiffre ou l'élément fort d'abord, puis de commenter ensuite (ça permet aux chiffres d'exister plus longtemps à l'image) ;
- attention à la surenchère de #hashtags dans le texte ;
- éviter de citer ou décrier des politiques, ou des partis. Les idées dégagées des propos sont suffisantes. La partialité au travers du partisanat, on s'en fout !
Enregistrement audio avant tournage
- Une fois le script terminé, enregistrer une lecture complète. Envoyer à David ;
- l'enregistrement audio ne doit pas excéder 8'30" ;
- corriger selon.
Prépa au tournage
- Partir de la matrice, obligatoirement ;
- Respecter absolument les consignes.
Montage
- Lors du Dérush, inscrire les notes au monteur dans la colonne correspondante ;
- donner tous les rushs non utilisés (onglet "Rush non utilisés" dans le même document).
L'épisode
Le commentaire de Mickaël Délis
erratum
Avant le brief et les infos : les corrections apportées par des visionneurs éclairés.
Donc, ... l'intermittence est un régime, pas un statut. Ne hurlons plus.
250 000 c'est le nombre d'intermittents, 117 000 le nombre d'indemnisés ou « allocataires » donc méa culpa pour les sources mal digérées ou mal informées -- cf (pdf) « Les allocataires indemnisés », annexe 8 & 10, pôle emploi, 2016)
Le déficit évalué à 1 Milliard a été réévalué à 320 Millions. Ô sources Internet et travail de fond, nous vous chérirons.
Et maintenant :
L’intermittence (qui n 'est pas un statut mais un régime dois-je corriger bien fort) par un intermittent qui en a chié pour l’être mais plus encore pour comprendre comment ça marche, c’est ici.
A toi qui t’apprêtes à le devenir mais n’y comprends rien, à toi qui l’es mais ne pige toujours pas vraiment comment voire pourquoi, à toi qui ne sais pas quoi répondre à ton banquier, au propriétaire qui refuse de te louer une studette ou à ton beau-père qui ne jure que par le fonctionnariat, mais aussi à tous ceux qui (te) disent que tu sers à rien et que tu ruines l’état, voilà de quoi expliquer ce qu’est l’intermittence, et pourquoi ça a quand même plutôt de la gueule d’être dans un pays qui parvient à maintenir ce statut bien particulier.
Définition, origines, fonctionnement, conditions d’obtention, questions financières et quantifications diverses sont ici réunies pour te permettre d’interroger le privilège que représente ce statut, mais aussi la nécessité de le maintenir au nom de la créativité, de la culture et de la liberté d’expression qu’il favorise.
Version feignasse
A maxi dossier, format spécial, mais comme tu as peu de temps et/ou es possiblement feignant, on a pensé à te chapitrer le truc pour aller directement à ce qui t’intéresse espèce de gros veinard fumiste :
Pour te régaler d’une intro pleine de magie et de problématiques divinement posées avec une présentation de base c’est à 0’00
Pour comprendre d’où ça vient/d’où ça sort c’est à 2’27,
Pour comprendre le fonctionnement et le comment de l’obtention, c’est à 3’29
Pour comprendre les sous que tu vas (peu) gagner c’est à 6'55
Pour (faire) comprendre pourquoi on n’est pas une menace sociale ni la cause exclusive de la banqueroute nationale c’est à 8'30
(et pour me voir en pornstache dans une piscine à essayer de parler espagnol c’est à 10'24)
Après tu peux également tout regarder, on sera content aussi.
Pour les sources chiffrées et infos pratiques, voici une flopée de liens. Ca devrait t’aider à en savoir plus et à te guider mieux encore dans la pénombre du spectacle et ses coulisses administratives obscures :
Sources
- wiki pour le B.A.BA plutôt quali ;
- Service Public pour la blinde de détails actualisés avec pdf ultra clair ;
- La F.A.Q gratos du site Etre Intermittent ;
- wiki pour distinguer l’intermittence des régimes spéciaux ;
- Pour checker ce que palpe Bill Gates chaque minute, haha ;
- Pour les échos et leurs chiffres de « mecs de droite » un peu irrascibles mais quand même assez renseignés : ici et là.
- Et, apporté récemment par un visionneur éclairé, un peu de détox post intox sur le milliard de déficit que nous citons... et qui s'éleverait en réalité à 320 millions d'euros... dénotant une nouvelle fois l'envie de faire porter un bien trop gros fardeau pour nos frêles épaules.
Big Bisous !
Et après ?
Plusieurs agences du pôle emploi, dont celle des Haut de France, ont demandé à pouvoir utiliser la vidéo comme support pédgaogique.
La vidéo a été énormément relayée dans des groupes facebook traitant du monde du spectacle vivant.
Un parti politique, la France Insoumise, nous a demandé de pouvoir afficher la vidéo sur leur site web. Accord donné sous condition de non appartenance politique.
Hallucination continue
Quand je termine le montage def, j'envoie à Mickaël dans la foulée, et généralement, il publie dans les 24h, ce qui est très agréable. On ne perd pas de temps.
Première journée avec un démarrage assez ahurissant. Ça grimpe vite, mais genre méga vite. Fin de journée, ça pète déjà 50k vues ... Je n'avais pas vu. Mickaël m'appelle. On est épaté et content, un peu hystérique. On se dit que ca va se calmer. Non. Le lendemain, la vidéo est déjà à 120k, et ca continue toute la journée. Ca stagnera finalement quelques jours plus tard à 250k. Mais manifestement, elle se partage toujours puisque quelques semaines plus tard, on compte presque 300k vues.
Plus que le nombre de vues ou de partages, ce sont les retours et commentaires qui nous ont marqué. Quand tu fais de la vidéo à but non lucratif, et que tu n'essayes ni ne vises de monétisation, ton objectif, c'est que ton propos soit compris et que la vidéo fasse son travail pédagogique. Les retours sont allés en ce sens. C'est devenu un épisode qu'on se passe et se partage pour clarifier, vraissemblablement, un débat qui a souvent lieu entres intermittents et amis d'intermittents.