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Patrick L'imposteur : demain, j'arrête (chap. 3)

Collection de réflexions pour trouver la bonne posture sans se péter le dos

Sous la douche, jouer le jeu de la vérité se fait en chantant. En société, on ne joue plus. Under Pressure. On nous somme d’être plus rapide, plus performant, plus beau, plus en réussite, ad lib. Résistance et intégrité d’un côté, docilité et compromission de l’autre. Patrick, lui, n’a pas vraiment choisi son camp, mais pour assurer sa survie, il compose et se déguise. Troisième et dernière partie d’un sujet en triptyque, voici le portrait tout en fantaisie de Patrick l’imposteur et comment il peut essayer de changer un peu.

Suis-je un Patrick ? Oui. Comme à peu près 99,99% des gens.

Voilà, vous paniquiez déjà à l’idée de vous reconnaître dans les lignes des articles précédents, c’est fini. Il est en effet extrêmement probable que vous ayez des difficultés à faire la vérité avec vous-même, un peu comme tout le monde. L’idée sera de disposer des bons outils pour régler tout ça et chialer de toute votre âme lorsque vous vous serez enfin avoué qu’en fait, vous êtes un peu une merde, et qu’il est temps de cesser cette vie de petits mensonges.

En vérité, Patrick (vous, pour rappel) se fait d’abord perdre un temps considérable. Pour nous c’est agaçant, mais pour lui, c’est sûrement la traduction de toute un tas de petits problèmes qu’il s’efforce de combattre chaque minute. Il n’est pas pourri jusqu’à la moelle, ce n’est pas le propos. Il ne mérite pas de mourrir non plus. Il peut d'ailleurs être très sympathique à la base. Tout est question de mesure. Et soyons honnêtes, on est plus entouré de petites impostures que de grands imposteurs, pour la deuxième fois, donc.

know thyself

Connais-toi toi-même bâtard ! Tout commence par le développement de ce goût de la connaissance de soi, et donc d’une petite dose d’analyse (tout seul, avec des potes, ou avec un professionnel de la tête des gens, comme vous voulez). Si d’aucune façon vous n’aspirez à mieux vous connaître, et si d’une certaine manière, vous n’avez pas à coeur de respecter votre prochain (dans notre cas, vos collaborateurs, vos clients, vos prestataires), autant vous le dire, vous êtes cuits. Vous vivrez une vie de caca, comme beaucoup de gens, et personne ne vous le reprochera d’ailleurs.

Je pense être, on pense que je suis … je suis

Il y a l’image que l’on a de soi-même, celle que l’on projette par et pour soi, c’est « ce que je pense être, ce que je pense de moi ». Un fin mélange entre les aspirations profondes, le devenir proche, et une espèce d’imagination (parfois trop débordante) … C’est là qu’est l’enjeu de l’auto-évaluation, c’est là que l’on s’auto-piège également, mais j’y reviendrai plus tard.

Il y a ensuite « ce que les autres pensent de moi », ce que l’on reflète. Contrairement à la projection, le reflet est assez concret et on a peu de contrôle dessus a priori. Il laisse une empreinte auprès de vos interlocuteurs, et l’individu faisant l’objet de ces jugements (vous) en est la majorité du temps ignorant : il ne sait pas vraiment ce qu’on dit de lui, même s’il s’en rend compte de temps à autre. Ce reflet peut-être distordu par les autres (par effet d’amour, de haine, de jalousie, d’interêt, etc.) mais surtout, il correspondra d’une certaine façon à votre opacité. Plus vous êtes transparent, plus le portrait que feront les gens de vous sera probablement juste.

Il y a enfin « ce que je suis ». C’est probablement la partie la moins accessible, mais aussi la plus critique pour faire le point sur ses avancées. Plus la perception de cette réalité est grande, moins les emmerdes se font, et mois vous risquez de foirer votre existence en vous rendant compte à 40 balais que vous vous êtes mentis, et que vous avez globalement une vie assez pourrie.

La capacité à superposer ces trois éléments est probablement impossible, mais l’effort pour y tendre est accessible à tous. Dans tous les cas, une bonne auto-évaluation de ce que vous pensez être permet d’avancer de façon très concrète vers cette superposition, et d’accéder en fin à une connaissance de soi un peu plus fine et honnête.

  1. Moi, Michel, je pense que suis un bon graphiste
  2. Les clients de Michel pensent qu’il est un bon graphiste
  3. Michel est un bon graphiste, basta !

Bam ! Vrai ! Success ! Tout le monde est enfin heureux.

La transversalité et la meilleure hypothèse

Posez-vous des questions, foutre Dieu ! RAGE. Je me calme. Mais posez-vous des questions quand même. D’abord ca fait du bien de se poser. Ensuite, plus vous vous en poserez, plus vous y répondrez, et plus vos futures questions seront pertinentes et vos futures réponse les bonnes. Cette agilité dans le questionnement est profitable et transversale : en effet, trouver une réponse à quelque chose va probablement créer une compréhension de certains mécanismes qui sera profitable à d’autres questions et vous aidera à trouver des réponses plus facilement. Pour faire encore plus simple : lorsque vous coupez pour la première fois une orange avec un couteau, vous ne l’avez pas appris que pour les oranges et que pour les couteaux. Cette expérience fait que vous avez compris comment couper, et ce avec divers objets qui tranchent et pour tout élément tranchable. C’est ce que j’appelle la transversalité.

Par ailleurs, on ne voit jamais au délà de ce que l’on comprend. Et entre nous, le chemin avant d’être omniscient est sacrément infini. Donc à défaut de trouver le Saint Graal, contentez-vous d’un principe simple : la meilleure hypothèse.

La meilleure hypothèse correspond à l’état d’une réponse à une question ou une problématique qui sera pour un temps votre meilleure conclusion. Dans le cadre de notre sujet, il s’agira de la meilleure réponse que vous apporterez à un moment donné sur vous même. Pendant un temps, votre hypothèse tiendra la route, jusqu’à ce que la vie vous offre généreusement une occasion de la remettre en question, pour accoucher alors d'une hypothèse bis, ter, quater, etc. en constante amélioration, plus riche à chaque fois de votre expérience et de sa mise à l'épreuve. Le bonheur éprouvé en étant de plus en plus juste est manifeste.

L’autoévaluation : ouf, vous n’êtes pas foutu.

Vous étiez un gros imposteur il y a 5 minutes, vous voilà tout soulagé d’apprendre que tout n’est pas fichu, !

Le dernier chapitre vous a permis d’imaginer comment développer cette hygiène du questionnement, cette agilité dans la recherche de réponse, tout en bénéficiant de cette transversalité des savoirs et des méthodes. Mais avant de mettre tout ça en pratique, petit point sur l’utilité et les ennemis de l’auto-évaluation.

S’autoévaluer, à quoi ça sert ?

S’autoévaluer sert à avancer et, disons-le, devenir un homme meilleur. Dans notre cas, il s’agira de devenir un meilleur collaborateur, un meilleur client, ou un meilleur prestataire, c’est à dire un professionnel reconnu pour son intégrité, sa justesse et son rapport simple à la vérité, en gros, quelqu’un sur qui on peut compter.

Pour aller quelque part, il faut savoir qui l’on est et d’où l’on part. Nous sommes entourés d’individus qui font soit du surplace, soit du hors piste car ils n’ont jamais pris le temps de savoir d’où ils partaient. Ces faux départs sont dommageables. Être à côté de la plaque vous fait perdre du temps, et vous rend détestable. S’auto-évaluer sert à identifier à quel niveau on se trouve.

Il s’agira notamment de couper court à divers phénomènes et accéder à certains avantages :

  • cesser de se sous-évaluer, et donc arrêter de se mettre dans des positions de dépendances et d’immobilisme ;
  • cesser de se surévaluer, et donc arrêter de nier le fait que l’on a besoin d’apprendre certaines choses avant de pouvoir gravir la marche suivante ;
  • éviter les vexations inutiles, être moins sensible et plus intelligent ;
  • savoir dans quoi on excelle, dans quoi on est bon, dans quoi on est moyen, mauvais, etc. et ainsi couper court aux petites impostures ;
  • cesser de se mettre dans une position où l’on estime que « c’est pas important », car si rien n’est grave tout est important (©maman) ;
  • reconnaître le caractère indispensable de certaines choses pour pouvoir prétendre à telle ou telle chose ;
  • et enfin, être capable d’avouer à tous qui l’on est, gagner en transparence et donc en prévenance avec son entourage.

Les grands ennemis de l’autoévaluation

Les ennemis naturels de l’exercice d’auto-évaluation sont évidents : fierté, orgueil, fainéantise, mais aussi excès d’humilité, simplisme, et quête du confort.

Mais ce n’est pas tout. Étrangement, les amis et la famille peuvent devenir vos pires alliés dans certains cas. Gardez en tête que pour toutes personnes vous connaissant, vous êtes à votre façon un repère. Or un repère qui change, qui est mobile, qui avance peut être très déstabilisant. Certains de vos amis et certains membres de votre famille exerceront ainsi une pression inconsciente en vous encourageant à rester ce qu’ils pensent être vous-même. Leur besoin en complicité, celle qu’ils ont habituellement avec vous, peut vous tirer vers le bas. La peur d’être dépassés peut être une menace également. La peur simple que vous vous en alliez peut enfin encourager chez eux l’envie de vous décourager à changer.

D’une façon générale, tout contexte dans lequel vous vous êtes illustrés de nombreuses fois et dans lequel vous avez forgé une certaine représentation de vous même a créé des habitudes dans votre entourage. C’est en soit une menace au changement. Ces contextes vous rappellent à ce que vous étiez, et vous entoure de jugements probablement obsolètes.

L’auto-évaluation ne va pas sans ce lourd combat de faire comprendre à tous ceux qui vous connaissent, que vous changez, tout simplement.

Quelques outils simples et pratiques, allez !

Cool, la vérité est enfin votre bonne copine : si vous en aviez peur, si vous la détestiez, si vous la trouviez imposante, ou que sais-je, vous seriez cuit. Mais désormais, vous l’aimez, d’une façon ou d’une autre, car vous avez compris qu’elle sera votre partenaire idéale.

  • Vérité : Yo ! Ca va ?
  • Vous : Honnêtement ? non.
  • Vérité : Ca va jamais toi.
  • Vous : C’est vrai.
  • Vérité : Merci d'être honnête, c'est important pour moi.
  • Vous : je sais, de rien.

Techniquement, si vous êtes arrivés jusque là, vous avez toutes les armes en votre possession. Mais une petite méthode simple peut rendre l’exercice plus ludique. Pas de quoi vous chopper des barres de rire non plus, mais sait-on jamais.

Faites 3 colonnes sur un document excel (ou sur une feuille de papier, on s'en fout un peu).

  1. À gauche, des critères à évaluer (ex: ça peut être ce que vous voulez - "mes compétences en marketing", "mon sérieux", "ma ponctualité", "mon autonomie", "ma fidélité" ...) ;
  2. au miyeu, une colonne qui donne une appréciation du critère (ex : "critique", "important", "peu important", "rien à battre" - c'est à dire "Ce critère est important dans ma vie" par exemple) ;
  3. et enfin, à droite, une dernière colonne où vous vous attribuez une note, c'est la partie autoévaluation (en 5 étoiles, sur 10, sur 20, on s'en bat les steaks, l'idée, c'est bonne note = je sais que je suis bon, et inversement).

Personne ne sait que votre kiffe ultime, ce sont les mamies un peu chaudes, et après tout, c’est votre jardin secret. Là, c’est pareil. Faites l’exercice dans l’intimité la plus totale. Ce petit bout de papier, personne ne le découvrira, et vous resterez le seul à savoir que vous êtes une énorme chèvre en matière de marketing, alors que tout le monde vous faisait confiance depuis 10 ans. C’est votre petit secret à vous.

Développez une certaine fierté à être honnête, et donc faites l’exercice honnêtement.

Enfin, classez votre tableau selon les éléments de votre choix (c'est là que ta feuille de papier fait chier, et que t'aurais peut-être du le faire sur excel). Ça peut être sur les critères, les appréciations ou les notes, peu importe. Si pour vous, l'idée c'est de corriger vos grosses lacunes, classez par note. Si au contraire, vous êtes plus portés sur l'importance que vous attribuez au critère, classez par appréciation.

Rappelez-vous que le pire qui puisse arriver, c'est que vous ne vous bougiez pas vraiment le fion, et que rien ne change. Autant dire un risque assez mince. Naturellement, le mieux qui puisse arriver sera une bonne prise de conscience de certains machins à améliorer, et l'amélioration de ces dits machins, et la fin de la grosse entourloupe, pour vous, et pour votre entourage.

Complétez avec un test de personnalité

Beaucoup d’outils permettent de faire le point sur vos aptitudes. C’est TOUJOURS intéressant (au minimum). Je vous conseille talentoday qui est un excellent test et vous donne les résultats de façon super lisible. Ça vous engage forcément à considérer des points d'amélioration, ou, si vous ne le souhaitez pas, vous permet d'orienter plus radicalement vos choix en fonction de ce que vous êtes. Une fois de plus, au minimum, c'est intéressant.

prendre conscience est-ce suffisant ?

Oh bonheur, vous ne vous mentez plus. Ça peut vous sembler que dalle, mais c'est pas mal en réalité. Vous pouvez rapidement identifier vos points forts et points faibles, vos expertises et vos lacunes. Vous savez si vous avez besoin d’aide sur tel sujet, ou si en tous cas, il vous faudrait vous améliorer.

Surtout, vous êtes capables de mettre en avant vos qualités et cesser à tout jamais de faire perdre de l’argent à vos clients et du temps à vos collègues sur tous les points où vous êtes une merde (mais une merde en devenir, naturellement). D’ailleurs, vous ne paniquez plus du tout à l’idée de ne plus « avoir l’air de ». Votre nouveau dada, c’est d’être, tout court. Pas besoin d'intégrer une secte ou d'acheter des putains de bouquins de développement personnel : refaites ces opérations et exercices régulièrement, au moins dans votre tête, quand ça vous chante et que vous sentez que vous partez un peu en sucette. Exercez-vous à vous auto-évaluer en temps réel, et développez une honnêteté tout-terrain. À force d’exercice et d'entraînement, vous devriez gagner un temps fou et surtout développer des relations plus saines avec vos collègues, clients et partenaires, mais surtout, avec vous même.

Car, dans un monde qu'on qualifiera « d'un peu merdique et super anxiogène », c'est toujours bien d'être un peu son propre pote (©maman).