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Patrick L’imposteur : Plan VigiPatrick (chap. 2)

Collection de conseils et astuces pour se protéger des imposteurs

Sous la douche, jouer le jeu de la vérité se fait en chantant. En société, on ne joue plus. Under Pressure. On nous somme d’être plus rapide, plus performant, plus beau, plus en réussite, ad lib. Résistance et intégrité d’un côté, docilité et compromission de l’autre. Patrick, lui, n’a pas vraiment choisi son camp, mais pour assurer sa survie, il compose et se déguise. Deuxième partie d’un sujet en triptyque, voici le portrait tout en fantaisie de Patrick l’imposteur et comment s’en protéger.

Si Patrick et ses impostures se multiplient, c’est au moins un peu à cause de nous.

La société moderne, dans son immense générosité, a développé une certaine aptitude à faire passer le pire pour le meilleur, la moyenne étant par ailleurs toujours suffisante. Une société du 10/20 qui tend donc à se satisfaire du passable et de l’à-peu-près. Si bien que, dans notre cas, clients collaborateurs et prestataires sont finalement co-responsables d’un certain état des choses. Ce sont bien eux qui signent, paraphent à font la promo quasi permanente de la médiocrité et de l’uniformité, et encouragent Patrick à devenir un multirécidiviste de l’imposture.

Pour ne rien gâcher, les garde-fous que pourraient être l’élite intellectuelle et les penseurs contemporains passent aujourd’hui pour des briseurs de kif. Des casse-couilles notoires qui finissent eux-mêmes par bander de plus en plus mou à l’endroit de la pédagogie et de l’interventionnisme. Et badaboum, sans qu’on s’en rende compte, l’exigence s’est fait la malle, les idées sont en grève, la censure morale a peur et les Maîtres sont morts. Ayatollahs de la responsabilisation, garants de la transmission du savoir, allez tous crever !

Mais entre-nous, nous savons que Pat, lui, ne fait pas la loi pour autant. Il n’est ni imprenable, ni totalement foutu d’ailleurs. Nous garderons donc une foi inébranlable en notre capacité à arbitrer avec coeur et raison et au travers de cas tout à fait actuels, voici quelques bons réflexes préventifs (voire curatifs).

Les nouveaux professionnels de l’image

Cette population d’orphelins du diplôme est en plein boom démographique. Victimes du cheap numérique, ils sont photographes (souvent décriés et rebaptisés fauxtographes - ça et là, certains ont créé et utilisé l’expression. Un petit billet pour l’occasion (Clément COMBES)), réalisateurs, monteurs, mais on pourrait y placer les graphistes, les webdesigners, et j’en passe. Ils sont pour la plupart des amateurs absolus qui, quand il ne sont pas tout simplement mauvais, s’illustrent par leur manque total d’expertise, quelle que soit leur expérience.

Qu’à cela ne tienne, leur vocation s’est posée là, après une explosion accidentelle de « likes » sur l’une de leurs « créa » ou photo de vacances (ou une dose anormalement heureuse d’applaudissements, lors de la projection d’une vidéo de mariage).

Vigilance donc ! Ce sont eux les premiers bénéficiaires / représentants / malfrats de l’ère numérique et de ses excès, les pionniers préparateurs de l’ubérisation du travail. Et si l’on peut accueillir positivement le fait que l’expression de la créativité de chacun soit enfin possible, il faut cependant redoubler d’attention si l’on souhaite de véritables profesionnels dévoués à leur métier.

Pour un petit projet web, l’amateurisme est probablement peu risqué, voire même un bon coup de pouce et un bon compromis tarifaire. Pour d’autres missions plus couillues, assurez-vous que ces pros ne soient pas des Patrick en puissance.

Attention !

Un portfolio ou un site rempli de choses ne signifie que vous êtes face à un super créa. Cela peut signifier « j’ai que ça à foutre de m’occuper de mon site ».

Aussi, beaucoup affichent des collaborations de prestige qui sont en fait d’énormes mythos. Demandez précisément ce qu’ils ont fait avec tel ou tel client (souvent ca sera une icône, une bannière ou un flyer). Et surtout, demandez des choses précises adaptées à votre future demande. Intéressez-vous à votre futur prestataire.

Les artistes et directeurs artistiques

Dans la veine des précédents, vous croiserez de plus en plus d’« artistes ». C’est l’échelon 2 des « créa » dirons-nous. Il n’ont d’artistique que leur imposture. Non, ce n’est pas parce qu’ils exercent un métier créatif ou qu’ils ont une passion artistique qu’ils sont des artistes. L’artiste est dévoué, différent, coûteux et très rare, sachez-le. Méfiez-vous encore plus des directeurs artistiques. C’est devenu un mot automatiquement placé à côté de nombreux métiers freelances. Ces gens-là se placent souvent en haut de la pyramide des mythos, et n’ont quasiment jamais rien dirigé, et sûrement pas artistiquement.

Attention !

Vigilance absolue et triple vérification des références. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas donner sa chance au malheureux, car il est probable qu’il ait du talent, mais travaillez déjà sur des missions classiques avant de lui confier une mission de direction artistique.

Quand aux artistes, pour votre culture, sachez que la France a officiellement listé les métiers d’art.

Les développeurs wordpress

Soyons clair, pour n’importe quel projet, l’idéal, de cette nouvelle catégorie de développeurs, lorsqu'il cause avec son client, c’est p***n de tout le temps une base Wordpress (1) avec un Template (2) à personnaliser, qui sera par ailleurs rigoureusement le même que tous ses autres clients. Le bougre ne sait rien faire d’autre. Il n’est pas vraiment développeur (3), ni graphiste, ni intégrateur (4). C’est un bidouilleur de code qui voit dans le besoin en site web une opportunité géniale.

Mais, le jour où vous aurez une tuile avec votre site, l’imposture sera à coup sûr démasquée, et il sera trop tard. Il sera, dans 75% des cas (à la louche, j'ai pas de stat officielle) incapable de vous aider, quand il ne décidera pas tout simplement de ne pas vous répondre ; Et comme t'avais pas signé de contrat, parce que c'était un site à 750 balles, tu l'as dans le fion (j'insiste - je ne compte plus le nombre de clients m'ayant appelé parce que leur développeur faisait la sourde oreille suite à une faille de sécurité ou un problème de MAJ PHP, ou un module qui ne marchait plus). Donc, si vous avez le cœur vaillant : ne dites pas systématiquement oui à Wordpress et réfléchissez à une alternative aux sites One Page (5) en considérant quelques secondes que ce n'est pas forcément adapté à votre contenu.

Conseil !

Le web commence à devenir un champs de clones tristes. Faites donc attention, privilégiez les alternatives et cultivez votre différence. Surtout, soyez sûrs de votre choix pour des projets plus costauds qui nécessitent un vrai suivi par un webmaster. De nombreux clients que j’ai pu rencontrer regrettent les solutions web « clé en main ».

Wordpress, c’est objectivement génial quand on sait quoi en faire, mais c’est comme les antibiotiques.

Consulting Startups

Si ça ne tenait qu’à moi … et puisque ça ne tient qu’à moi, finalement … je vous dirais que les consultants, précisément ceux concentrés sur la niche start-ups, sont de gigantesques losers qui n’ont jamais réussi à créer et pérenniser leur propre activité et se recyclent alors dans le conseil sur la base d’une expertise des « erreurs à ne pas faire ». Ça en dit long. En gros, de nombreux boulets ne savent pas plus que vous quels sont les ingrédients miracle du succès de votre entreprise, et vous répéteront sûrement ce que vous saviez déjà. Pire, vous vous transformez petit à petit en psy, à mesure qu’ils vous raconteront leurs aventures foireuses et l’expérience qu’ils en ont retirée (6).

Achtung !

Vigilance élevée ! Un vrai entretien préalable à la mission, une grosse discussion de reconnaissance, la demande d’un devis très détaillé et d’une méthode claire, ou un bon coup de fil peuvent vous en dire long sur le bonhomme. Il en va de même pour tous ces métiers du coaching : avec un poil de bon sens, on détecte rapidement qui est sérieux et qui ne l’est pas.

Prenez donc le temps avant de vous engager.

Les Freelances à 2€ de l’heure

Non content de saboter la déontologie d’une dizaine de professions, cette race-là est peut-être la pire possible. Pour faire simple : toute prestation anormalement « pas chère » (on ne parle pas des jeunes entrepreneurs qui se lancent et travaillent avec des tarifs attractifs corrélés à leur expérience) cache souvent un obèse imposteur. Puisqu’il ne peut valoriser son labeur, souvent parce qu'il est mauvais ou incapable de produire un travail personnel (pompage intensif du taf des autres, utilisation de solutions toutes faites), sa seule possibilité de choper un marché est de vous vendre sa presta pour rien du tout.

Et ces gens-là ont en plus leurs diables de maîtres : tout un tas de sites (7) qui proposent ou proposaient une batterie de créatifs pour pas grand chose et acculaient de nombreux vrais professionnels à jouer le jeu terrible de la concurrence au rabais. Ainsi, à moins que vous ne soyez féru d’imitations et de magouilles, et sauf dans le cas où vous n’auriez plus d’âme (ou plus d’argent du tout), dites non à tout ça et participez à la défense des professionnels dits « professionnels ».

Le mec qui a une idée

Ce Patrick là, c’est le multirécidiviste, le plus prolifique de l’équipe. Il n’a jamais rien fait, essayé ou réussi, mais ce relou de compétition a toujours une idée de génie (et compte bien vous faire l’honneur d’intégrer sa future équipe imaginaire, puisque vous, vous enquillez pour de vrai).

Ne parlez plus jamais avec lui de ses idées. Proposez-lui, avec gentillesse, de donner votre avis dans un second temps, lorsqu’il aura couché sur papier la faisabilité de son projet, et conceptualisé un temps soit peu cette 127ème idée de merde. Vigilance moyenne, parce qu’on aime bien écouter ses nouvelles idées pourries. :D

Ouf.

Ca y est, détecter un Patrick est devenu un jeu d’enfant, et vous avez développé de sacrés réflexes. Et pourtant … on se retrouve confronté à diverses urgences qui font que l’imposteur sera parfois notre choix final : poste inadapté, manque de temps, manque d’argent, manque de réseau, inexpérience, etc. Alors prenez-soin de développer des réflexes simples, comme par exemple, s’obliger à établir plusieurs devis auprès de prestataires très différents, s’obliger à creuser soi-même son sujet, ou encore s’imposer un coup de fil pour « sentir » votre futur prestataire.

Plus important encore, ce billet n’est pas là pour vous encourager à devenir totalement Patrickproof, mais surtout pour limiter la prolifération des impostures, tout en obligeant Patrick à s’améliorer s’il veut vraiment perdurer. Car, si j’ai pu prendre un certain plaisir à basher et trasher, je sais qu’en vérité, cet énergumène subit peut-être plus que d’autres, et sans s’en rendre compte, une vie souvent frustrante, angoissante et triste à bien des égards : gagner des sous, réussir à tout prix, être « quelqu’un » et devenir un agent sage et actif du projet socio-économique mondial, qui disons-le, est assez misérable. Notre responsabilité, il me semble, c’est plutôt de faire barrage et d’éduquer. Arrêter de tout vouloir faire à la vitesse de la lumière pour 2 balles, privilégier la qualité et gagner en exigence, faire la promotion de la relation Maître à élève, casser la toute puissance des apparences, et remettre certaines valeurs au centre des échanges professionnels, notamment le savoir et l’intégrité.

Enfin, #JeSuisPatrick ... car l’on s’illustre tous ou presque dans de petits mensonges de circonstance, un besoin, aussi modéré soit-il, de retirer de chaque chose un certain avantage, une façon de s'accommoder de beaucoup de petits trucs, tant que « ça passe ». Ha ! Tout n’est pas perdu, puisque dans notre prochain chapitre, on fera tous ensemble, dans une joie hystérique, le point sur la connaissance de soi et le goût de la réflexion.

  1. Wordpress est le CMS (content managing system - gestionnaire de contenu sur Internet) le plus utilisé au monde. Allez, c’est pour moi, 10 raisons pour ne pas utiliser wordpress (E Systemes Live, 2014)
  2. Un Template est un modèle, un patron. Dans le cadre de wordpress, les templates sont appelés thèmes. Ils fournissent un design complet prêt-à-l’emploi. Plusieurs clients peuvent choisir le même template.
  3. Le développeur est responsable des codes sources constituant les différents langages de programmation d'Internet, composées entre autres des langages de balisage (HTML, CSS ...), des langages interprétés (PHP, JS … ) ou des langages à objet(Java...).
  4. L’intégrateur ne s’occupe que du langage correspondant à la partie graphique (CSS)
  5. Le site One Page, ou Single Page Design intègre 100% du contenu de votre site sur une seule page.
  6. Merci de redoubler de vigilance quant à la gratuité de ces propos.
  7. Un article au sujet du site wilogo (qui créa un sacré débat auprès des graphistes) et sa fermeture. \o/